Arrivée à l’Assemblée nationale en septembre 2020 à la suite d’élections partielles, la socialiste a soumis sa proposition de loi en décembre pour mieux protéger les mineurs victimes de violences sexuelles. Un texte rattrapé par l’actualité.

Elle montera pour la première fois à la tribune de l’Assemblée nationale ce jeudi. Cinq mois seulement après son élection à la législative partielle dans le Val-de-Marne, la députée PS Isabelle Santiago défend déjà sa première proposition de loi. La socialiste a voulu profiter de la niche parlementaire de son groupe pour s’emparer de l’épineuse question de la juridiction de l’inceste et, plus largement, des violences sexuelles contre les enfants. Un combat qu’elle a porté pendant vingt ans comme vice-présidente chargée de la protection de l’enfance dans le Val-de-Marne. «Je pense que je suis la seule députée qui est arrivée à l’Assemblée avec cette expérience», souligne-t-elle.
Isabelle Santiago soumet l’idée lors d’une réunion de son groupe au cours de l’automne, soit bien avant la sortie du livre de Camille Kouchner, La familia grande, et les milliers de témoignages de victimes d’inceste. «J’ai été rattrapée par l’actualité», tient à préciser la députée. Deux propositions phares figurent dans sa proposition de loi: un seuil de non-consentement automatique pour un mineur de 15 ans en cas d’agression sexuelle par un majeur, et fixer ce seuil à 18 ans en cas d’inceste. Deux mesures réclamées de longue date par les associations et par les figures de cette lutte – à commencer par Camille Kouchner.

Première désillusion

Pour la députée, l’affaire se complique vite. Le jeu politique et les manœuvres parlementaires s’immiscent. Devant l’émotion suscitée par les révélations en cascade, le gouvernement veut en effet montrer qu’il est à la hauteur, prêt à légiférer vite. Seulement, l’exécutif est déjà pris de vitesse par son opposition, entre la proposition de loi socialiste à l’Assemblée et une autre de l’UDI au Sénat. Se positionner contre – en attendant un texte issu de la majorité – pourrait avoir des conséquences explosives dans l’opinion. Un plan de bataille est donc établi: réécrire à coups d’amendements les textes de l’opposition. En somme, les récupérer.
«Loin de moi de penser, en arrivant à l’Assemblée, qu’on allait faire de la petite politique sur des sujets comme la protection de l’enfance»
«Loin de moi de penser, en arrivant à l’Assemblée, qu’on allait faire de la petite politique sur des sujets comme la protection de l’enfance», déplore Isabelle Santiago. Lors de l’examen en commission des lois, la députée PS voit donc son texte se métamorphoser. La députée Alexandra Louis fait notamment voter un «écart d’âge de cinq ans» entre un majeur et un mineur plutôt qu’un seuil de 15 ans, pour éviter toute «inconstitutionnalité». Inacceptable, pour la députée socialiste, qui y voit «un texte d’une extrême gravité», ouvrant le champ des possibles aux adultes «entre 18 et 20 ans sur des enfants de 13 et 14 ans».
La socialiste vient de vivre sa première désillusion de parlementaire d’opposition. «Je ne m’attendais pas du tout à ça en arrivant. Je suis très déçue. Dans ma vie, j’ai toujours travaillé avec tout le monde», regrette-t-elle. Isabelle Santiago veut cependant encore croire à un coup de théâtre. Contrairement aux députés LREM en commission, Adrien Taquet, le secrétaire d’État en charge de la protection de l’enfance, et Éric Dupond-Moretti, le ministre de la Justice, ont évoqué les mêmes mesures que la socialiste dans leurs derniers passages médiatiques. «Ils ne disent pas autre chose que mon texte!», assure-t-elle. Avant de faire un souhait: «J’espère que le gouvernement sera plus intelligent que les députés de la majorité.»

Source : Le Figaro